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Où poser la tête ? [chap.3] – Wo soll mein kopf ruhen ? /// galerie dukan – baumwollspinnerein, leipzig
dimanche 21 mai 2017, par
Kimiko Yoshida La Mariée Arlequin, dans le souvenir de Picasso. Autoportrait/The Harlequin Bride, remembering Picasso. Self-portrait, 2006
Commissariat : Julie Crenn
Artistes :
Romain Bernini – Nina Fowler – Folkert de Jong – Myriam Mechita – Florence Obrecht – Alicia Paz – Jean-Xavier Renaud – Karine Rougier – Katharina Ziemke – Kimiko Yoshida.
Il faut que la présence ne soit pas abstraite. Par exemple la chose la plus difficile à faire en ce moment c’est le portrait. A cause de ça c’est presque impossible à faire. Je vais continuer à essayer.
Francis Bacon
La question du portrait et de l’autoportrait fait partie intégrante de l’histoire de l’art, depuis les peintures pariétales jusqu’aux photographies de Cindy Sherman, en passant par les portraits du Fayoum, les peintures de Rembrandt, de Frida Kahlo, de Marlène Dumas, les sérigraphies d’Andy Warhol ou encore les sculptures de Stephan Balkenhol. Peu importe le support et la technique, les artistes représentent, sans jamais pouvoir en épuiser le thème, leur propre visage et/ou ceux de leurs contemporains. Henri Michaux, poète et artiste, a su décrypter la nécessité de dessiner, de peindre, de sculpter, de photographier ou de filmer les images de soi et d’autrui. Il s’attache notamment à l’analyse du dessin d’enfant. Dès notre plus jeune âge, le crayon à la main, nous traçons des formes, qui, peu à peu, se précisent et se révèlent : un rond dans lequel viennent s’inscrire ce qui s’apparente à des yeux, un nez, une bouche, des cheveux. « La trace linéaire laissée sur le papier lui rappelle quelqu’un, la mère ou le père ; l’homme déjà, l’homme représentant tous les hommes, l’homme même. » Rapidement les dessins se tournent vers l’auto-figuration ou bien de représentation des autres, des êtres connus, inconnus ou imaginaires. Par extension, le dessin génère une vision de la société et plus largement du monde. Une vision multiforme que les artistes s’emploient à poursuivre, à élargir et à préciser. Les [auto]portraits agissent par échos. Alors, les œuvres fonctionnent comme des miroirs à la surface desquels les artistes, leurs environnements et leurs histoires se reflètent. Elles sont des espaces de projections pour celui et celle qui les regarde, des espaces au creux desquels nous sommes physiquement, psychiquement, visuellement confrontés au corps, au visage de l’autre.
Les [auto]portraits engagent différentes questions : l’affirmation ou bien la remise en question d’un statut (celui de l’artiste), d’une identité (artistique, culturelle, sexuelle), d’une vision critique, politique, poétique des autres et/ou de soi. Ils engendrent un ensemble de sentiments à la fois complémentaires et contradictoires : le trouble, l’identification, le rejet, la crainte, l’empathie, le doute. Pourtant, la fascination prédomine, l’irrésistible tête-à-tête entre le regardeur et le sujet provoque une pluralité de réactions. Les [auto]portraits activent une dissonance et une complexité inhérentes à la nature humaine. L’exposition Où poser la tête ? est nourrie de ses différents champs de recherche, de ces différents sentiments qui façonnent l’expérience de chacun. Le titre de l’exposition est une interrogation. Où poser la tête ? Qui suis-je ? Qui es-tu ? Comment se représenter et représenter l’autre ? Que nous disent les portraits et autoportraits ? Comment se positionner dans le monde ? Les œuvres formulent un dialogue où les regards politiques et poétiques se croisent et s’entrechoquent selon différents axes de réflexion : le portrait – la réactualisation d’un genre traditionnel, l’archive, le corps politique, l’intime, le masque et la performativité de soi. Les œuvres attestent d’une ambiguïté constante et d’une pluralité (des formes et des discours) nourrie de mouvements et de perturbations. Qu’ils soient traités de manière directe ou indirecte, les [auto]portraits traduisent un mouvement, celui d’une performance continuelle des corps, des identités et des idées.
Julie Crenn